Texte Laurent Garcia – Photos : rakoons.com/Laurent Ferrand
Dimanche 19 juillet, je quitte ma petite famille pour prendre le train de Clermont-Ferrand à Bourg-Saint-Maurice. Ca y est, c’est parti pour mon traditionnel séminaire annuel dans les Alpes : un rituel, mais surtout un besoin. Les paysages défilent, jusqu’à ce que j’aperçoive les premiers reliefs et les premières voiles au-dessus du lac d’ Aiguebelette. Il me tarde d’arriver. A Moutiers, je mets le nez à la fenêtre et me remémore un passage du livre de Didier Favre, celui où il décrit comment il se sort d’un passage avec de nombreuses lignes haute tension. Comment a-t-il fait ? Je suis admiratif.
A 21h, terminus. Je suis passé des volcans d’Auvergne à la haute montagne. Un petit crochet à la pizzéria du coin puis j’attaque la marche vers 22h. L’objectif, c’est le dôme de Vaugelaz. Après 2 heures de marche et 8 km parcourus, je bivouaque au-dessus du village des Chapelles. Il est plus de minuit, je m’endors dans mon sac de couchage, sous un ciel étoilé. La vie est belle.
Lundi, réveil à 6h. La vue est superbe. Le soleil ne va pas tarder à passer au-dessus des crêtes. J’ai de la chance d’assister à ce magnifique spectacle. Le temps de tout plier et d’avale un petit bout, et il est déjà 7h. Je me mets en marche. A la croix des Praz, je fais une pause casse-croûte. En face, les Arcs et ces crêtes au-dessus, à ma gauche le mont Clapey et plus loin le col du petit Saint-Bernard, à ma droite le Mont St-Jacques. C’est la première fois que je viens dans la région, mais tous ces noms me sont familiers car ils figurent dans le livre de Didier Favre que j’ai lû une dizaine de fois sans jamais me lasser. A 13h j’arrive au sommet, accueilli par les sifflets des marmottes, c’est le moment de faire chauffer la soupe.
Mais le vent se renforce, je passerai donc l’après-midi à découvrir les lieux. A 2000m d’altitude, il ne fait pas très chaud. Je monte la tente et passe la soirée à observer les parapentes sur le relief des Arcs, en face. Ils sont scotchés. Moi, je volerai demain. J’ai l’impression d’être seul au monde avec les marmottes sur ce dôme herbeux. Ce n’est pas pour me déplaire. Bientôt, je m’enfile dans mon sac de couchage et m’endors…
Le lendemain, je suis réveillé par la pluie qui tombe sur la tente. Pas de chance, hier c’était le vent, aujourd’hui la pluie. Heureusement, elle se calme bientôt. Mon objectif du jour est le petit village de Granier situé quelques centaines de mètres en-dessous ! Mais tout en dépliant mon aile, je change d’objectif. Plutôt que de me lancer dans de longues marches en montagne avec peu de chance de voler, je tournerai autour de Bourg-Saint-Maurice et volerai sur les différents sites du coin. Bonne décision. Après un long plané d’une vingtaine de minutes, j’atterris, heureux comme un débutant, à Macot en même temps que les biplaceurs professionnels. La journée commence de bonne heure pour eux. Je ne les envie pas : à peine ils ont touché le sol, ils mettent en vrac leurs voiles dans la camionette et remontent au déco pour embarquer le client suivant. Ils n’ont même pas le temps de savourer leurs vols. L’entreprise tourne à plein régime.
Un petit détour au bistrot du coin pour boire un café, puis auto-stop jusqu’au déco de La Plagne d’où je décolle à 14h. Les thermiques ne sont pas au rendez-vous malgré le soleil et c’est un retour en vol à la case départ, à l’atterro de Macot. Je décide de mettre le cap sur les Arcs. Après une petite marche, je suis pris en stop jusqu’à Vallandry, au pied des pistes de ski des Arcs. Petite grimpette à travers bois jusqu’au déco, et à 19h je décolle pour mon troisième vol de ce jour. Les petites bulles teigneuses me permettent de me maintenir au-dessus de Vallandry.Puis un bon thermique me permet de m’échapper avec deux congénères, pour rejoindre les crêtes au-dessus de la station. Tant mieux, entre les pilotes du coin et les élèves des différentes écoles, il commençait à y avoir foule ! Bientôt, nous nous baladons à plus de 2700m d’altitude au-dessus des crêtes, avec vue sur le Mont-Blanc ! Vol inoubliable…
A l’atterro des Ilettes, il y a du monde. Je me délecte d’une bonne bière fraiche et fais la connaissance de Seb et Linda qui font marcher la buvette. Ambiance conviviale. Petit bivouac à la belle étoile au bord du petit étang, près de l’atterro. Demain, sur les conseils de Seb, j’irai au cormet de Roselend…
Réveil à 7h. Je plie rapidement et me mets en marche vers Bourg-saint-Maurice car il y a du foëhn. Il y a affluence aujourd’hui en ville car le tour de France fait étape en Tarentaise. Une foule considérable se masse autour des plateaux-télé et du car podium, avec l’espoir d’apercevoir les champions. Cela n’arrange pas mon affaire. Mon objectif est le cormet de Roselend mais la route est fermée car les coureurs doivent l’emprunter dans quelques heures. Je reste donc assis à observer tout ce remue-ménage et j’en profite pour recharger les différentes batteries, appareil photo et portable, avec mon chargeur solaire.
A 16h je peux enfin faire du stop en direction du cormet. Je ne regrette pas d’avoir changé mes plans : mon projet initial était de partir de Bourg-saint-Maurice et de finir à Chamonix. J’ai bien fait de rester dans le coin car il fait mauvais à Cham. Arrivé au cormet de Roselend, j’installe mon bivouac au pied de la fameuse pente à soaring. Je ne volerai pas aujourd’hui, pas grave : l’endroit est tellement beau ! J’en profite pour me laver dans l’eau fraiche de la rivière et dodo sous la tente.
Le jeudi le temps ne s’améliore pas. Je redescends sur Bourg-Saint-Maurice et l’atterro des Ilettes. En début d’après-midi, une dégradation orageuse prend forme. Je monte la tente avant la pluie, au même endroit que l’avant-veille, au bord du petit étang. Comme il pleut et que je n’ai pas grand chose à faire, je m’enfile dans mon sac de couchage et m’endors…
Le lendemain s’annonce plutôt bien mais en début d’après-midi les cumulus jouflus se transforment en cumulonimbus. J’aurais du voler plus tôt ! Je fais mes adieux à Seb et Linda et, après un bon repas à la pizzéria, je suis à la gare, pensant y passer la nuit. Mais à minuit : la gare ferme ! Mauvais plan car il commence à pleuvoir. Je trouve un petit parc à proximité et, emmitouflé dans mon poncho, j’essaie de mendormir sous la pluie. La nuit sera longue !
J’ai pris le premier train à 7h. Même si je n’ai pas beaucoup volé, j’ai passé une semaine formidable en Tarentaise. Je crois même avoir franchi un palier : je suis resté une semaine, le temps que je m’étais fixé au départ et le mauvais temps n’a pas entamé mon moral ! L’année prochaine, je passerai à l’étape suivante qui sera le tour du Mont-blanc, en respectant scrupuleusement cette fois les règles du vol bivouac, c’est à dire aucun autre moyen de locomotion que la marche et le vol.
Ndlr. Voir aussi dans Parapente Mag n°127 l’article de Pierre Bouilloux sur le vol bivouac.